De nos jours, nous avons de nombreux exemples de grandes personnes ayant façonné notre Histoire. Qu’ils soient savants, militaires, dirigeants ou citoyens, la plupart l’ont fait en plein contrôle de leur destin. Pourtant, certains comme l’Eponyme Alan Turing ont simplement été emportés par le courant de la vie et des événements de l’Histoire.
Comment un génie tel que lui a-t-il terminé naufragé face au monde qui l’entoure ? C’est ce qu’explore la Bande Dessinée d’aujourd’hui.

Le concept de la Bande Dessinée
Illustré par Aleksi Cavaillez et écrit par Maxence Collin et François Rivière, la bande sessinée se veut biographique. Sorti cette année (2024) sous les éditions Casterman, cette bande dessinée traite de la vie du célèbre scientifique Alan Turing.



Là où beaucoup d’oeuvres traitant de la vie d’Alan Turing ont séparées sa vie quotidienne de son rôle dans la science, cette BD se veut être l’une des première à mêler les deux.
Mieux encore, la bande dessinée ne souhaite pas une approche extérieure comme une biographie classique, mais un point de vue intérieur afin de mieux comprendre le point de vue d’Alan Turing et de créer un rapprochement entre le lecteur et le personnage.

La vie divisée d’Alan Turing
Là où une biographie classique se contenterait de raconter la vie de la personne concernée, celle-ci se place dans l’esprit de l’individu. Pour comprendre un génie torturé, l’angle du récit était évidemment plus clair d’un point de vue interne.
Afin de s’assurer que sa vie soit retranscrite au mieux, l’oeuvre avait donc pour idée d’utiliser une imagerie sur-réaliste afin de démontrer le décalage entre le génie et son existence désordonnée.

3 parties majeures aux styles différents entre-coupent l’histoire :
Les souvenirs

Les souvenirs par lesquels nous apprenons la majorité de la vie d’Alan Turing dont ses relations intimes et son rôle dans la science.
Cette partie de l’histoire explique les relations entre Alan et sa famille, son homosexualité et ses multiples relations.
Mais c’est également dans cette partie qu’émerge son génie, les oeuvres importantes de sa vie et ses actes héroïques qui ont sauvés la Seconde Guerre mondiale d’un prolongement de deux ans.
Le Procès
Situé dans le présent de l’histoire, Alan assiste à son jugement pour « pratiques indécentes réitérées en compagnie d’un autre homme« .
Cette partie met en relief la vision extérieure du monde de l’époque à la vision détachée d’Alan.
Là où le monde extérieur voit les relations du personnage comme contre-nature et indécentes, Alan les vis comme le sens de sa vie.
C’est une partie qui montre tout l’aspect cruel d’un pays qu’il a pourtant partiellement sauvé.

Le Rêve

Le rêve, utilisant une imagerie sur-réaliste et les divers éléments des souvenirs d’Alan afin de constituer une idée de l’état d’esprit du personnage dans son évolution de pensée.
Cette partie sert de complément à la partie souvenirs de l’histoire où sont approfondis les sentiments d’Alan.
Tout au long de l’histoire, Alan est décrit comme détaché du reste du monde, exilé et se laissant emporter par le courant. Comme il le dis lui-même : « Sans contrôle ».
Le rêve est ici un aperçu dans l’esprit perdu du génie ne sachant comment se réveiller.

Une histoire contrastée
L’histoire se met en place à une allure calme et relaxante, ce qui rend encore plus impactant les moments dramatiques de la vie d’Alan, comme le décès de Christopher Morcom, son premier coup de foudre, l’arrestation de Turing ou encore la sentence de son jugement.

On peut également y voir la rapide montée du nazisme en Allemagne mais la partie la plus impactant reste l’ultime suicide réalisé par Alan, après avoir croqué dans une pomme empoisonnée au cyanure.
Tous les détails créent un précis effet de contraste. Les 3 parties de l’histoire s’entrecoupent afin d’agrémenter de choc ressenti et permettre une meilleure proximité avec le protagoniste.
L’histoire se permet également de dissiper certaines idées erronées de la vie de Turing. C’est le cas de l’idée selon laquelle son suicide serait une cause directe de sa sentence. Les lettres échangées par ses proches expliquent que tout semblait aller mieux pour lui avant son suicide.
Même si sa sentence a pu orienter sa décision, il ne s’agissait probablement pas de la cause directe. Il y songeait certainement depuis le début. Cette théorie est démontrée par les dialogues où Alan introduisait l’idée du suicide comme un appel à l’aide. Comme le disent les proches d’Alan, « il faut accepter que nous ne comprendront jamais ».
Besoin de quelqu’un à qui parler?

Mise en avant de talents oubliés
Cette histoire, bien que centrée sur Alan, est l’occasion de mettre en avant d’autres talents qui ont eu leur importance.

C’est par exemple le cas de Hugh Foss, génie aujourd’hui peu connu et souvent dans l’ombre d’Alan Turing. Il a pourtant permis la résolution partielle d’Enigma en brisant l’une des clés de la machine infernale.
Ou encore Joan Clarke qui a également travaillé à la résolution d’Enigma dans une période où les femmes étaient discriminées. Malgré qu’elle soit la seule femme, elle devient la meilleure dans l’art du banburismus. Elle devient également responsable adjointe de la Hutte 8 au départ d’Alan.
À l’époque deux représentants de minorités discriminées, un lien se créera rapidement entre eux. Elle deviendra rapidement sa plus grande confidente.
Elle finira même par se fiancer avec lui avant que ce dernier ne lui avoue son homosexualité. C’est Alan qui décidera de rompre, ne pouvant vivre une vie double-jeu.


Mais également de Max Newman, créateur du premier ordinateur électronique fonctionnel et mathématicien qui influencera grandement le génie d’Alan Turing.
Alan travaillera même avec Newman après la guerre sur le développement du premier ordinateur électronique. Ils parviendront ensemble à réaliser une machine fonctionnelle.

Un style visuel à l’image d’Alan Turing

Le visuel crayonné est à l’image de l’esprit d’Alan Turing. Ce style rappelle directement les croquis des plans réalisés pour le déchiffrement d’Enigma.
Le style graphique, certes simpliste au premier coup d’oeil et en vérité gorgé de détails discrets.
La BD, de manière générale retransmet à l’aide de son aspect visuel, le mental précaire et désordonné de son protagoniste.
Pourtant, il n’en reste pas moins intéressant à décortiquer, ce qui en fait une oeuvre à plusieurs lectures.
Chaque relecture offre une nouvelle narration, que ce soit visuel ou textuel, l’histoire évolue en sens après la conclusion.

A qui Konseiller?

Alan Turing n’est pas une histoire particulièrement joyeuse, car elle se veut biographique, dans une période sombre de l’histoire. Sa conclusion n’est pas celle d’un conte de fées, mais elle n’est pas vide de sens.
Cette bande dessinée est avant tout un témoin et une adaptation de la vie d’un génie qui aurait pu être oublié de l’Histoire. Il s’agit du souvenir d’un monde de mœurs différentes et de punition injustifiées par un Etat d’après-guerre.
Mais aussi une preuve de la vie sociale d’un homme qui pourrait trop aisément être réduit à un simple amoureux des sciences ayant accompli des miracles. C’est l’histoire d’un homme porté contre son gré vers un destin de secrets et de mystères. Un héros désintéressé trahi par son pays dont la vie mouvementée n’a jamais été en son contrôle.
Cette œuvre est faite pour vous si vous êtes fan d’histoire. Si vous vous intéressez à la science ou que vous souhaitez ouvrir une fenêtre vers un autre temps.
Vous aimez les visuels crayonnés et détaillés ?
Vous appréciez les œuvres complexes et sérieuses ?
Cette œuvre est également à ajouter sur votre liste !

Créatrice virtuelle venue d’une autre planète, elle est une lapine cultivée qui aime créer et apprendre davantage.
Si vous êtes chanceux, peut-être vous laissera-t-elle la suivre dans son terrier afin d’y partager ses connaissances.