À la ligne : quand le travail devient monotone…

À la ligne : quand le travail devient monotone…

Tout d’abord, il faut savoir que ce livre est une adaptation en roman graphique de Julien Martinière, suite à l’œuvre de Joseph Ponthus, qui nous a malheureusement quitté en 2021 des suites d’un cancer. Il est édité aux éditions Sarbacane.

Je le déconseillerais aux moins de 14 ans, car on peut y trouver des images pouvant heurter la sensibilité de certains.

Dans cette œuvre, Joseph embauche jour après jour dans les usines de poisson et les abattoirs bretons. Il inventorie avec une infinie précision les gestes du travail à la ligne, le bruit, la fatigue, les rêves confisqués dans sa répétition de rituels épuisants, la souffrance du corps…

Ce qui le sauve, c’est qu’il a une autre vie. Il a vibré avec Dumas, il sait les poèmes d’Apollinaire et les chansons de Trenet.

C’est sa victoire provisoire contre tout ce qui blesse, tout ce qui l’aliène. Et entre les lignes, dans les blancs du texte, on devine la femme aimée, le bonheur d’un dimanche, le chien Pok Pok et l’odeur de la mer.

Avant d’aller à l’usine, il faut savoir que Joseph a fait Hypokhâgne et khâgne. Puis il a travaillé comme éducateur spécialisé pour des jeunes en difficulté.

Ensuite, son mariage en 2015 le conduit en Bretagne. Il va s’inscrire en agence d’intérim car il ne trouve pas de travail. C’est là que va commencer sa période d’ouvrier en usine. Loin d’être une vocation, c’est une nécessité.

Et c’est durant cette période de travail à la chaine que va naitre le livre « À la ligne ». Il écrit pour ne pas se laisser ravager par la monotonie sordide du travail à l’usine.

Pendant deux ans, Joseph Ponthus, 40 ans, retranscrit ses histoires d’intérimaire en Bretagne. Tantôt avec dureté (le corps morfle tout entier), tantôt avec tendresse (les mots à son épouse, sa mère, son chien, et à lui-même). Tantôt avec gravité, tantôt avec dérision.

De quoi ça parle ?

Joseph va devoir « affronter » le froid pour les crevettes, mais aussi pour les horaires de nuit. Il aura plusieurs fonctions pendant ses diverses missions dans cette usine. Entre le dépotage, le mareyage, l’écorchage, la cuisson… bref, tout ce qui peut toucher aux crevettes.

Pendant cette période, il a droit à divers collègues plus ou moins compétents. En effet, il y a celui qui taxe les clopes et qui ne les rendra…. jamais, ou celui qui tire au flanc et qui s’active quand un chef arrive. On ne parlera pas de celui qui arrive parfois alcoolisé avec un comportement grossier et des pensées dérangeantes.

Il y découvre de nouveaux muscles à force de lever des charges pour les déposer un peu plus loin. Il se confronte à l’automatisation des gestes, dénués de réflexion, un travail mécanique bien loin de sa formation initiale…

Enfin, il aura « le bonheur » d’avoir une mission aux abattoirs municipaux. Encore un travail de nuit où il nettoie les ateliers de découpe de porc. Même si le boulot est dur, les poissons, les bulots et tout le reste lui semblent bien inoffensifs à présent.

À travers l’œuvre « À la ligne », on voit la répétition, les tâches monotones, le froid, les odeurs… tout ce qui fait que le travail à la chaine devient usant. On voit aussi l’instabilité professionnelle des missions en intérim de courte durée, avec l’obligation de tout accepter par exemple. Mais aussi les problématiques du travail de nuit, comme comment le concilier avec sa vie de famille ?

Dans ces usines de travail à la chaine, il y a parfois « le suivi d’adaptation » qu’un nouvel arrivant doit présenter chaque jour. Ce dernier fait penser à l’ancien livret d’ouvrier qu’on devait présenter à chaque nouveau patron.

J’aime ce livre qui dépeint le quotidien d’un ouvrier dans une usine.

Ce roman graphique sur le monde ouvrier mérite d’être lu. Une bonne idée à mettre au pied du sapin.

Si vous aimez les bandes dessinées, je vous recommande Wyoming 1863 ou encore La révolte sans précédent.

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