Amélia Woods – Un Manoir entre Rêve et Réalité

Amélia Woods – Un Manoir entre Rêve et Réalité

« Et plus rien ne fera obstacle au rationalisme dans le siècle qui s’annonce, et surtout pas dans ma vie ! »

Avec ces mots, Amélia Woods annonce la couleur : celle d’une héroïne en quête de vérité, dans un monde où la raison s’oppose sans cesse au mystère. Car si Amélia croit pouvoir dompter le monde par la logique, la BD nous rappelle vite que certaines choses échappent à toute explication. Entre croyances, science et désirs enfouis, le récit explore la frontière entre ce que l’on peut prouver et ce que l’on ressent.

Dans cet univers à la fois historique et onirique, chaque certitude vacille, laissant place à une réflexion sur la connaissance et les contradictions du cœur humain.

Derrière Amélia Woods se cachent deux talents féminins : Carole Breteau au scénario et Morgane Lafille au dessin et à la couleur.

Carole Breteau a longtemps navigué entre les plateaux de cinéma et les salles d’écriture avant de trouver, dans la bande dessinée, un nouvel espace d’expression. Après un premier album, Parfum de Soie (Soleil, 2020), elle signe ici son premier titre chez Vents d’Ouest. Sa plume poétique mêle réalisme et mystère, ancrant Amélia Woods dans une atmosphère où le rationnel côtoie sans cesse l’étrange.

À ses côtés, Morgane Lafille apporte de la douceur visuelle à chaque planche. Issue de l’école de dessin de Bordeaux, elle rejoint l’atelier Gottferdom, où son trait délicat et expressif attire rapidement l’attention. Inspirée par les lieux et les rencontres (dont un certain chat et une logeuse atypique), elle imagine avec Breteau une héroïne ancrée dans la réalité, mais constamment effleurée par le rêve. Amélia Woods, parue en septembre 2021, marque ainsi la naissance d’un duo prometteur.

Angleterre, veille du XXe siècle, un manoir isolé au cœur d’une baie de carte postale. Amélia, jeune femme férue de rationalisme est venue pour étudier les oiseaux, s’éloignant de Londres et de son père, universitaire trop protecteur. Depuis le décès de sa mère, elle ne peut toucher autrui sans être assaillie par des flashs, des bribes de futurs étrangers, des émotions qui ne lui appartiennent pas et dont les irruptions la déstabilisent de plus en plus. Le manoir de Lady Hème aurait dû être le lieu tranquille où poser ses valises, apaiser son deuil, pour renouer avec certitudes scientifiques et cartésianisme… À l’inverse, la bâtisse semble concentrer les étrangetés autant qu’exacerber le malaise d’Amélia… Chat voleur et fantasque, petit bouc opiniâtre, logeuse inquiétante, architecture capricieuse, et mystérieux inconnu surgissant à la nuit tombée vont bouleverser la réalité de la jeune femme… Bientôt, toutes ses certitudes seront balayées.
Magie et suspense sont au cœur de ce diptyque pétillant. Un récit initiatique dans lequel une « jeune femme moderne » remet en cause tout ce qu’elle croit savoir et éveille sa part spirituelle afin de trouver sa vérité, à l’âge où sentiments et secrets familiaux sont susceptibles d’encore tout bouleverser.

Glénat

Amélia Woods est une œuvre qui surprend par son équilibre entre mystère et sensibilité. Sous ses airs de récit victorien, la BD explore des thèmes profondément humains : le deuil, la peur de l’inconnu, la recherche de soi.

L’histoire nous plonge dans un manoir presque vivant, où chaque couloir semble dissimuler une vérité ou un souvenir. Le surnaturel s’y glisse sans jamais s’imposer, comme une brume qui trouble la raison sans la dissiper. Au fil des pages, la frontière entre science et magie devient de plus en plus poreuse, jusqu’à même refléter les doutes d’Amélia.

Ce n’est pas seulement une enquête sur d’étranges phénomènes, mais une quête intérieure, celle d’une femme qui cherche à comprendre ce qui se cache derrière les certitudes qu’elle a toujours défendues.

Graphiquement, Amélia Woods séduit dès la première planche. Le trait de Morgane Lafille, à la fois doux et précis, capte parfaitement l’esprit « fin de siècle » de l’histoire. Chaque case respire la nostalgie : les paysages marins baignés de brume, les intérieurs victoriens feutrés, les visages délicatement expressifs.

La colorisation, toute en nuances, mêle tons pastel et lueurs dorées pour instaurer une atmosphère à la fois apaisante et énigmatique. Rien n’est criard ni excessif : tout semble pensé pour accompagner les émotions d’Amélia, ses doutes comme ses émerveillements. Cette subtilité visuelle renforce le contraste entre la rigueur scientifique de l’héroïne et le mystère presque féerique qui l’entoure, donnant à la BD une identité immédiatement reconnaissable.

Dans Amélia Woods, les personnages forment un petit théâtre aussi mystérieux qu’attachant. Amélia, d’abord, incarne la raison mise à l’épreuve : brillante, curieuse, mais profondément vulnérable, elle cherche à comprendre un monde qui ne répond plus à ses règles.


Face à elle, Lady Hème impose une présence à la fois maternelle et inquiétante, gardienne de secrets enfouis dans les murs du manoir.
Lord Charles, figure mélancolique et insaisissable, semble quand à lui osciller entre le réel et le souvenir.


Et puis il y a Robespierre, le bouc têtu, fil conducteur d’un humour léger qui apaise la tension ambiante. Ensemble, ils composent un huis clos délicat, où chaque échange dévoile un peu plus les fissures de l’âme humaine.

J’ai acheté cette BD car je connaissais déjà la dessinatrice, que je suivais depuis plusieurs années sur Instagram. J’étais admiratrice de son style, alors quand j’ai appris la sortie dAmélia Woods en 2021, je n’ai pas hésité une seconde. J’ai été ravie de retrouver graphiquement la patte de Morgane Lafille : tendre, expressive, pleine de charme.

Son trait colle parfaitement à l’ambiance du récit, entre mystère et mélancolie. Mention spéciale également aux décors, absolument magnifiques, avec des palettes de couleurs toujours justes, ni trop vives, ni trop ternes. L’atmosphère qui s’en dégage est à la fois chaleureuse et un peu troublante, comme un songe dont on ne veut pas vraiment se réveiller.

Mon personnage préféré reste sans hésiter le bouc, Robespierre : il me fascine, m’intrigue, et réussit toujours à apparaître au moment parfait. Chaque personnages a d’ailleurs un design unique, des visages expressifs et reconnaissables, ce qui rend l’univers encore plus vivant. Ce premier tome pose des bases solides : il donne envie de savoir où cette histoire va nous mener autant qu’elle mènera Amélia elle-même.

Si le mystère d’Amélia vous a touché, la poésie de Rosetta saura sans doute vous envoûter !

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