Don’t Call Me Magical Girl, I’m OOXX : une pépite captivante

Don’t Call Me Magical Girl, I’m OOXX : une pépite captivante

Voici l’histoire d’une magical girl qui voulait devenir une humaine à part entière, prête à accomplir des miracles pour arriver à ses fins.

Éditions ChattoChatto

Titre : Don’t Call Me Magical Girl, I’m OOXX

Prépublication en 2016 dans le magazine taiwanais Dragon Youth Comics. Édité par les éditions Tong-Li.

Publication en France en 2019 par ChattoChatto.


Nombre de tomes : 6 (terminé)


Auteur : Yang Ji Zheng


Chara-design : SimonCreative

« Sakura et ses semblables se battent pour des raisons qui leur sont propres ; une souhaite conserver ses pouvoirs surnaturels, une autre cherche à protéger sa ville et la dernière souhaite mener une existence tranquille. Au cours de leurs différentes rixes et par inattention, elles détruisent peu à peu la ville.
Lors d’une chasse aux esprits et alors que toutes trois se disputent comme à leur habitude, une force inconnue les révèle par surprise aux yeux de tous. Elles qui vivaient jusqu’alors dans l’ombre, les voilà donc exposées au public pour la première fois, condamnées à dédommager les citoyens… »

ChattoChatto

Encore une série de magical girls ?

S’agit-il d’une énième série sur des magical girls ? Par bien des aspects, oui, évidemment. Mais comme l’indique le titre, cette série prend à revers ce genre popularisé par Sailor Moon ou Card Captor Sakura. Et elle pourrait s’apparenter – dans une certaine mesure – à la série animée Puella Magi Madoka Magica.

Ce qui fait la particularité de cette série, c’est bien son pitch. Il annonce dès la quatrième de couverture qu’un esprit a pour objectif de devenir une humaine. Ce qui est plutôt à contre-courant d’une série sur les magical girls ! De même, malgré les péripéties des débuts, nous ne trouvons pas d’antagoniste concret ni de quête autre que celle de Sakura, la petite poupée rose.

Cette quête, personnelle, prend des atours très profonds et bien plus complexes qu’ils n’y paraissent. Cela n’enlève cependant rien au plaisir de l’histoire, ni de pouvoir plonger dans l’aventure aux côtés d’Éole, Tuna et Magi la métanonne – finalement la seule que l’on pourrait décrire comme une magical girl.

Le début d’une aventure

Don’t call me magical girl, I’m OOXX est mon premier manga de ChattoChatto, « la petite maison d’édition qui monte ». Affectionnant les histoires de magical girls, j’ai immédiatement été attiré par la couverture du tome 1 présentant Sakura, la petite poupée rose. Le contraste de rose et de bleu et le chara-design de Sakura m’ont interpellé, et le pitch séduit.

Ainsi a commencé cette aventure. Et quelle aventure !

Mon avis

J’ai rapidement été intéressé par Don’t call me magical girl, I’m OOXX. Puis à force de lire et relire, la série a acquis mon intérêt et mon affection, et ce, sur plusieurs points.

Le premier, évidemment, c’est l’histoire. On sent tout de suite qu’il y a plus que ce qui nous est présenté dans le tome 1. Et il a fallu attendre chaque sortie et prendre son mal en patience pour en avoir le cœur net. J’adore les scénarios complexes prêtant à des développements émotionnels, et je n’ai pas été déçu avec celui ci.


Le second, ce sont les personnages et la façon dont ils sont développés. Sakura, Magi, Éole et Tuna ont chacune leur caractère et une histoire des plus intéressantes et approfondies. Leurs relations évoluent et font avancer l’histoire en même temps qu’elles-mêmes. Les mystères se lèvent progressivement, et leurs forces comme leurs faiblesses leur donnent un véritable charme.

Ce qui me passionne dans les mangas et la littérature en général, ce sont les émotions. Pouvoir s’identifier, ressentir de l’affection ou, au contraire, de la colère à l’égard d’un personnage. S’attacher à une personnalité ou à une relation. Attendre avec impatience la suite et être satisfait ou frustré par ce qui arrive. Tels sont les points importants qui donnent à chaque lecture une saveur particulière.

En lisant Don’t call me magical girl, I’m OOXX, c’est ce qui m’est arrivé. Et c’est ce que je vous souhaite à toutes et tous. Parce que ce manga recèle de petits trésors pour qui saura les déceler, de ces moments que j’appelle « parfaits » parce qu’ils sont vraiment marquants. Quelques planches en particulier sauront sublimer ces moments. Et on ne peut que saluer le talent du dessinateur et de l’auteur, qui ont su donner vie et consistance à ces émotions.

Une œuvre complexe…

Don’t call me magical girl, I’m OOXX est une série dont la lecture s’avère complexe à bien des égards.

Dans un premier temps, de par sa forme, elle peut être difficile à lire ou à comprendre. Je suis resté un peu perplexe face à certains choix de l’auteur, ce qui m’a obligé à relire plusieurs fois.
Des pensées de plusieurs personnages se chevauchant ou d’autres dont on n’est pas vraiment sûr de l’appartenance font que certains passages sont un peu flous.
Il en va de même pour les scènes de combats.

Même si elles sont bien illustrées, elles demandent une attention particulière pour tenter de discerner qui agit. Enfin, des changements de temporalité dans le récit – même s’ils le servent – peuvent être considérés comme peu judicieux au regard de la fluidité de la lecture.

Dans un second temps, l’auteur distille des informations pour la progression de l’histoire au gré des tomes, ce qui nous permet de comprendre ces changements.

Pour avoir lu plusieurs fois la série, j’ai pu remarquer des détails pouvant annoncer ces évolutions ou ces révélations. Même s’ils restent ponctuels.

Je considère que plusieurs points sont encore obscurs voire inexpliqués. Des pouvoirs à l’origine inconnue ou des personnages à la nature floue, par exemple.

Quelques questions restent a priori sans réponse malgré des explications. Mais c’est ce qui fait la beauté des séries, et cela donne de la matière pour souder une communauté de fans.

Je n’ai moi-même pas d’hypothèses au regard du peu d’éléments que nous possédons, mais cela ne m’a pas empêché d’aimer profondément cette série. Ces plot holes n’ont aucune incidence et je considère qu’aucune des informations données ne sortent de nulle part grâce à une intelligence certaine dans l’écriture.

… qui pousse à une réflexion personnelle

Si on ne regarde que la surface et que l’on s’arrête à ce qui nous est présenté, cette série pourrait être assez banale. Seulement, même à la surface, on sent qu’il y a plus et que nous sommes invités à creuser, à réfléchir et à aller voir au-delà.

Par son pitch, l’histoire est simple. Un esprit veut devenir humain et il doit passer par différentes étapes. Pour autant, ce sont ces étapes, ce chemin, qui rendent d’office cette histoire plus profonde que ce que l’on pourrait penser de prime abord.

Deux thématiques fortes sont d’emblée introduites : trouver sa place dans le monde et trouver le bonheur – ce pour quoi l’on veut vivre. Il s’agit d’objectifs tout à fait actuels et réalistes, qui peuvent parler aux jeunes comme aux moins jeunes. Cela m’a beaucoup touché car j’ai pu me retrouver dans ces questionnements.

Ce désir de devenir une humaine pourrait être interprété comme une simple volonté d’exister dans le monde. Plutôt que de chasser des esprits, en se liant aux autres et en leur parlant, on comprend mieux ceux qui nous entourent, tout en se comprenant mieux soi-même. Et comme la série le rappelle, lorsqu’on crée des souvenirs avec les autres, on reste dans leurs mémoires. Et c’est ce qu’exister peut aussi signifier.

Aborder un tabou

Mais la série va encore plus loin en abordant, au travers de ses personnages, une thématique difficile : le suicide. Celui-ci est intimement lié aux deux grandes thématiques du début. J’ai trouvé que ce sujet avait été habilement introduit et abordé, avec une démarche explicative puis un traitement optimiste et plein d’espoir.

Parce que oui, s’il est possible de sombrer, il est tout à fait certain que l’on peut se relever. Pour peu que l’on soit bien entouré ou que l’on accepte certaines situations. Mais surtout que l’on s’accepte soi-même. Cette capacité à prendre du recul et à analyser les épreuves que l’on traverse doit aussi nous conduire à repenser ce pour quoi l’on agit, ce pour quoi l’on vit, et ce qui est important ou non. Être perdu ne signifie pas être condamné. On peut croire et espérer retrouver la lumière. Et si ce n’est pas fait de notre propre initiative, cela peut être réalisé au travers des autres.

Un combat intérieur

L’intelligence dans l’écriture de l’auteur se retrouve aussi par une volonté de ne pas proposer d’oppositions manichéennes.

Il n’y a pas de bien ou de mal, pas de gentils ou de méchants, pas d’antagonistes autres pour les personnages qu’eux-mêmes.

Combattre pour sa vie peut aussi se traduire par un combat intérieur, pour trouver des ressources au plus profond de soi et vaincre les démons qui nous empêchent d’avancer.

J’ai été profondément touché et ai trouvé de nombreuses sources d’identification, notamment dans cette dynamique de retour vers la lumière. J’ai été particulièrement ému lors du dernier tome. Il était en effet riche en émotions car amenant toutes les conclusions et proposant plusieurs interactions d’une intensité remarquable.

Pour conclure

Don’t call me magical girl, I’m OOXX est une œuvre complète – en six tomes – et complexe. Elle aborde des sujets graves et existentiels avec justesse et intelligence, tout en alternant actions, introspections, dessins type chibis et émotions, avec habileté et sobriété. On s’attache facilement aux personnages et à leurs histoires, tout en prenant plaisir à les suivre et les soutenir.

Je pense que l’ensemble est bien trop sous-coté par le public. En effet, l’histoire est cohérente, le dessin a gagné en puissance, les thèmes abordés sont forts et poussent à la réflexion. Et puis, la grande force de cette série réside dans le fait que, malgré les ajustements imposés par son éditeur – une réalité fréquente dans ce milieu –, l’auteur a su préserver une ligne directrice claire. Il a ainsi réussi à nous offrir une conclusion et un épilogue pleinement satisfaisants.

Pour en terminer avec cette analyse, je dis à l’auteur et aux éditeurs bravo et merci pour cette aventure et ces émotions.

Si vous souhaitez lire d’autres oeuvres éditées par ChattoChatto, c’est ici. Pour d’autres séries avec des magical girls, attardez-vous sur Puella Magi Madoka Magica pour le mélange des genres et une réflexion poussée, ou sur des classiques comme Card Captor Sakura. On retrouve aussi, plus récemment encore, la nouveauté Magilumière Co. Ltd. !

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